10 km du Neuf (8 mars 2020)

La saison 2019 fut riche : 9 courses, de 5 km à…  beaucoup plus long. Certaines pour le chrono, d’autres avec mon père, d’autres encore pour la découverte. Alors que faire en 2020 ?

Je suis assez caricatural parfois, comme coureur : la performance ! J’ai envie de battre encore mes records. Je décide donc que je veux faire un gros marathon de Paris, et que ça ne sert à rien de multiplier les courses de petite distance, je veux me préparer au max et ne pas m’éparpiller.

Je change de plan de préparation en m’inspirant d’un planning trouvé sur https://www.running-addict.fr/. Je ne suis JAMAIS à la lettre un plan d’entrainement trouvé dans un magazine ou sur le net, seuls les bourrins font ça. En effets ces plans sont génériques, conçus en général pour des gens qui n’ont ni travail, ni famille, ni amis ni autre activité que la course t 'ont que ça à faire. Il faut s’en inspirer, car le meilleur coach, quand on n’en a pas, c’est soi-même.

Et donc je m’entraine comme on fait tous. Sorties courtes, sorties longues, fractionné court, fractionné long, renforcement (sans négliger le repos). L’hiver se passe très bien, je me sens progresser… Parallèlement la vie suit son cours (la mienne connaît deux gros changements), l’actualité égraine son lot de polémiques, scandales et autre pessimismes. On nous parle en décembre d’un virus qui vient de Chine, qu’on appelle le « coronavirus », une sorte de grippe qui a l’air de faire vachement peur aux chinois… bon, au pire on va encore nous casser les c……. comme avec la grippe aviaire…

Et le temps passant, il semblerait que les autorités prennent ce virus tellement au sérieux qu’on envisage une espèce d’état de guerre, on nous parle de confiner la population (ça consiste en quoi ?). On voit des manifestations être annulées pour limiter la contagion. Et notamment des épreuves de course à pied. On nous dit que courant mars, la France va faire comme en Italie, arrêter le pays et obliger la population à se cloîtrer chez soi. C’est dingue cette histoire !!

Je réalise donc que comme Perrette qui voit ses projets s’envoler avec le pot au lait qu’elle a laissé tomber, mes rêves de super marathon de Paris sont illusoires et que la très bonne condition physique que je viens de me préparer ne va servir à rien.

Le jour de l’emprisonnement général de la population étant a priori prévu pour mi-mars, je me trouve donc en catastrophe une course pour qu’au moins mon entrainement ait servi à quelque chose : les 10 km du 9^e arrondissement. Je n’ai jamais participé à ce dix bornes, pour des raisons de calendrier : en général début mars je ne suis pas concentré sur ce type d’effort, je recherche plutôt un semi. Mais là, étant donné le contexte, il n’y en a pas. Je suis en très bonne forme, mais pas préparé pour un 10 km, je ne sais pas ce que ça va donner.

Le retrait des dossards s’effectue à la Mairie du 9^e, que je découvre au fond d’une cour. Un joli hôtel particulier avec des bénévoles sympathiques, une expo photo, un tote bag (pas de t-shirt). Il fait gris, il pourrait pleuvoir. Je me renseigne sur le parcours et je me rends compte que c’est les montagnes russes : il y a plein de bosses, ce qui était à prévoir connaissant la topographie de l'arrondissement (pour les non-parisiens, Pigalle et les contreforts de Montmartre c’est encore le 9^e).

Le lendemain j’arrive en avance pour déposer mon sac et me laisser le temps d’un bon échauffement d’au moins ½ heure : l’effort est très violent sur un 10 bosselé, il faut partir complètement chaud. Je trottine donc dans des rues et le long d’avenues que je connais mal. Ça va bien. Je ne suis pas du matin, l’échauffement me tire peu à peu de la flemme et de l’endormissement de corps, duquel je ne suis pas sorti. Il n fait pas chaud mais en courant ça ira. 

C’est curieux : je garde assez peu de souvenirs de la course elle-même. J’ai fait comme on doit faire sur ce genre de compet’ : partir vite, accélérer, finir à fond (ou comme on peut !). Je revois un ciel bas et menaçant. Je revois des mecs devant et derrière moi, les tâches de couleur de leur maillots, avec la sensation de n’être jamais seul sur la course, mais jamais en groupe non plus. Une succession de de coins de rues à tourner derrière lesquels une énième côte me casse les pattes (et le moral). A fond, toujours à fond. Des efforts difficiles, quand ça monte dont j'essaie de récupérer dans la descente tout en ralentissant le mions possible. Du cardio à l'état pur.

Tout au long des 10 bornes, mon chrono ne m’indique rien de bon, et je découvrirai avec bonheur à la fin qu’en raison des immeubles haussmannien qui font obstacle, le GPS a sous-estimé la distance. Si bien que lorsque ma montre m’indique que je suis au 9^e kilomètre, je m’imagine que mon chrono va être franchement moyen, alors qu’en fait il doit me rester seulement 400m ! Je passe la ligne sans vraiment comprendre ce qui se passe ni où j’en suis. Ma seule certitude, c’est le fait que j’ai tout donné et que je ne pourrais pas aller plus vite sur un tel parcours. Je regarde ma montre avec cette seconde d’anxiété que tous les coureurs connaissent… et je m’aperçois que je viens tout simplement de réaliser le meilleur chrono de ma vie sur la distance !! Mon record du monde personnel à moi !! C’est ouf !! Quelle surprise !! Je savais que j’étais en forme, que j’avais très bien bossé à l’entrainement, que j’étais frais, mais je n’aurais jamais imaginé péter un record sur une distance que je n’avais pas travaillée. Comme quoi en course à pied, quand t’es bon, t’es bon sur toutes les distances, en fait. Et quand t’es mauvais c’est pareil d’ailleurs.

Je récupère ma médaille, émerveillé et incrédule. Heureux d’avoir sauvé les meubles avant le grand black-out épidémique, heureux d’avoir effacé un record qui datait de 2006, une époque où j’étais encore dans la vingtaine.

Et bien sûr, une fois la ligne passée, des trombes d’eau s’abattent sur nous.

Je m’en fous, j’ai un record !