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Carnet de course
14 septembre 2020

10 km de l'Hexagone (Bois de Boulogne), 12 septembre 2020

Après des mois à m’entraîner pour rien, des mois à m’entraîner parce que c’est ma seule sortie autorisée, des mois à ne préparer… rien de particulier, je commence à croire, comme un peu tout le monde, que ces histoires de virus vont enfin se calmer et que la vie va pouvoir recommencer comme avant.

E, début d'été je cible donc mes objectifs et je coche plusieurs épreuves avec en point de mire un marathon mi-octobre, en l’occurrence celui de Metz, un des rares qui n’ait pas été annulé. En guise d’objectif intermédiaire, je repère une course à laquelle je n’ai jamais encore participé, les 10 km de l’Hexagone. Celle-ci a ordinairement lieu en pleine canicule, début juillet, mais elle a été reportée au 12 septembre. Elle est donc « sur ma route », sportivement.

Le concept de cette course est d’organiser des courses en quelque sorte franchisée un peu partout en France sur le même format. J’imagine même que le but initial était de les, organiser toutes le même jour. On peut donc courir les 10 km de l’Hexagone dans plein de ville différentes (Narbonne, Rennes, Wasquehal, Cabourg, Paladru etc.). La mienne a bien sûr lieu à paris autour de l’hippodrome d’Auteuil. Cet hippodrome, je suis parfois passé à côté mais je n’y suis jamais rentré.

Jusqu’au jour J, je regarde quasiment tous les jour le site de l’organisation, craignant une annulation de dernière minute. Je crois que toutes les courses sur lesquelles je me suis renseigné ont fini par être annulées. Le fait est que depuis début 2020, je suis en super forme. J’ai commencé à perdre du poids fin 2019, pour diverses raisons, et le confinement m’a aidé à perdre le reste. Résultat : 6 kilos de moins. Et putain, je sens la différence. Ajouté à cela le fait que je cours tous les jours ou presque, et que j’ai trouvé de très bonnes nouvelles formules d’entrainement, j’ai retrouvé le niveau que j’avais avant 30 ans. C’est inespéré et dès le mois de mars j’ai réalisé mon meilleur chrono sur 10 km. Cette année 2020, bizarre à tout point de vue, est quoi qu’il en soit une année réussie car elle a débuté avec un record personnel.

entrée

Au moment de me rendre au village départ, je suis donc très cool. Bien qu’en prépa marathon, je me sens bien, e n’ai rien à prouver avec j’ai déjà un record dans ma musette, et j’avoue que je n’ai aucune idée de mon état de forme réel. Tout ce que je sais c’est qu’il fait super beau, que je vais découvrir un nouveau parcours et que c’est un bonheur de remettre un dossard, mon deuxième de l’année (je ne me doute pas encore que c’est aussi le dernier de l’année !).

tribunes

Après avoir traversé Paris j’arrive devant l’hippodrome dont je peine un peu à trouver l’entrée. Une fois à l’intérieur, je découvre que le domaine est beaucoup plus grand que je ne le pensais. Il y a certes l’hippodrome en lui-même, relativement imposant, et le « village » départ situé sur un terrain de foot en synthétique juste à côté. Le collecte du dossard et des infos est assez cadrée d’un point de vue sanitaire (condition sine qua non de la tenue de l’événement, les consignes officielles ont stricte, déjà…), mais on est loin de ce qui va se pratiquer un an plus tard, au moment où j’ écris ces lignes. Jamais je n’aurais imaginé que l’on devrait montrer un ausweis numérique pour pouvoir faire quoi que ce soit.

chaussures

 

Comme on est en été (et la journée est magnifique) la course est programmée en fin d’après-midi. Elle aura lieu intégralement dans le domaine de l’hippodrome et dans le Bois de Boulogne. Comme je suis en avance (pour une fois !), j’en profite pour écouter un podcast allongé sur la pelouse du stade. Totalement détendu. C’est vraiment trop cool d’être là ! C’est mon 102e dossard, mais il a bien plus de saveur que beaucoup de ses prédécesseurs. Ensuite je m’échauffe cool, de manière à être déjà transpirant sur la ligne de départ. Le départ est à la fois cadré et pas cadré : nous devons partir par sas de niveau mais la procédure Covid n’autorise pas la constitution de sas. Donc on est invités à se placer sur la ligne de départ par petites paquets de niveau mais sans faire de paquet et en restant éloignés les uns des autres, et avec un masque (oui à cette période, le masque est encore un accessoire un peu nouveau…).

allée

Mon dilemme, quand je m’élance sur 10 km, c’est que je suis toujours entre 2 meneurs d’allure : celui des 45’ qui est beaucoup trop lent, et celui des 40’ qui va vraiment trop vite. En général je choisis plutôt la zone de départ des 45’ car je n’ai aucun espoir d’arriver à suivre celui des 40’ et j’ai un peu peur de partir trop vite et d’exploser. Mais là, probablement parce que je n’ai rien à perdre et que mon tout frais record personne m’en a rapproché, je choisis le paquet des 40’. Dès le départ, je me glisse donc dans le peloton des gens mecs qui suivent le meneur d’allure (oui, j’ai dit les mecs, vous comprendrez pourquoi tout à l’heure). C’est parti pour du 4’ au kilomètre, du jamais vu pour moi. Et quelle n’est pas ma surprise de me rendre compte au bout d’un kilomètre que ça va, en fait. Pareil au bout du 2e, je me rends compte que je ne vois pas arriver de signe indiquant que je suis en surrégime. Le 3e pareil. Je suis très concentré sur mon effort et aussi sur le parcours, car c’est du bitumes, des chemins de terre. Il y a des plots, des trous, des relances. Je n’ai pas l’habitude de courir en paquet, ça fait plein de choses à surveiller. 4e kilomètre, ça commence à tirer un peu mais je garde le sillage du meneur, je reste dans le paquet, qui commence à se déplumer petit à petit. Dans ma tête je commence à me mettre un peu à rêver : et si je tenais ce rythme-là jusqu’à la fin ? Et si j’explosais mon record ? Et si je passais en dessous des 40 minutes ? Alors qu’il y a encore quelques mois je désespérais totalement pouvoir descendre sous les 43 minutes ? Encore un kilomètre, puis encore un… Je crois que c’est vers le 6e que le meneur d’allure, qui n’a plus autour de lui qu’un tout petit paquet, fait une légère accélération dans un petit faux-plat qui laisse quasiment tout le monde sur le carreau, y compris mois, et je crois d’ailleurs qu’il a fini tout seul ! Je le laisse s’éloigner mètre par mètre. Je crois que j’aurais pu accélérer pour essayer de rester au contact, mais à mon avis cela aurait été u erreur et j’aurais explosé. J’ai préféré ne pas me soucier de lui, rester concentré car à ce stade de la course je suis très bien parti pur un excellent chrono et l’essentiel est de ne pas perdre tout l’avance au temps que j’ai déjà, et de gérer le reste. Après tout, même à toute vitesse, 3 ou 4 km c’est l’affaire d’environ ¼ d’effort. Hyper intense, certes, mais ça doit pouvoir se gérer. Le dernier tiens d’un 10 km consiste bien souvent à serrer les dents, ce que je fais, aidé par le fait que je constate que si j’ai un peu baissé le rythme, je n’ai pas ralenti tant que ça et que je m’achemine vers un nouveau record. Je ne peux pas dire inespéré car je ne suis pas venu là en espérant quelque chose, mais je dirais totalement inattendu.

ligne

Le dernier kilomètre est un peu long. On finit presque là où on avait commencé, sur la piste d’athlé autour du stade de foot à côté des canassons. En entrant sur le stade je vois le meneur d’allure tout seul qui va bientôt en finir. Je donne tout puisque le moment s’annonce historique, je finis hors d’haleine et content avant même d’avoir regardé ma montre car je sais que j’ai fait une très très bonne course… Je reprends mon souffle… je regarde la montre… oh putain !!! J’ai EXPLOSE mon record, de plus d’une minute, je suis même descendu largement sous les 41 ‘. C’est complètement dingue ! Cette course s’est déroulée comme dans un rêve. Derrière mois arrive une femme dont le speaker annonce qu’elle est la deuxième féminine : j’ai mis au moins une minute à la deuxième féminine (la première, elle, est très loin devant en revanche, elle ne jour pas dans la même catégorie que nous autres amateurs). Oh la vache, c’est complètement énorme, je n’aurais jamais imaginé de ma vie faire un truc pareil. Je suis même 5e dans ma catégorie d’âge, du jamais vu pour moi.

Je vais mettre des jours à réaliser ce que je viens de faire. Je savais que j’étais fort en ce moment, je n’avais pas réalisé que jamais de ma vie je n’avais été aussi fort ! A 43 ans !

Une fois reposé et changé, je prends le temps J’écris à ma Chérie qui est chez sa mère, et surtout j’appelle Florence, ma (con)sœur de course. Elle est allongée sur son canapé car elle va accoucher dans quelques jours. Je lui raconte mes « exploits », elle sait ce que c’est, elle me comprend.

Medaille

Un mois plus tard, alors que je m’apprête à préparer mon sac pour partir à Metz, mail de l’organisation : c’est annulé. Une prépa pour rien. Enfin non, pas vraiment pour rien, car ma prépa m’aura servi pour une autre course. 2020 une année dingue, mais sportivement pour moi une année de perfs de dingues, et sur 10 km, la distance qui me convient le moins. Seulement deux compétitions, mais quelles compétitions ! C’est un peu obscène de le dire, mais moi j’ai adoré 2020…

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