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Carnet de course
1 juin 2022

Marathon de Paris, 3 avril 2022

Après mon féérique marathon de Paris d’octobre 2021, une fois revenu sur terre, je me suis assez vite dit que ce serait difficile de faire mieux voire aussi bien. Enorme charge de travail estivale, jour de grâce où on marche sur l’eau : réunir à nouveau les conditions d’un nouvel exploit paraît peu probable. Donc quel défi pour 2022 ?

Ayant déjà battu mes records des 10, 15 et marathon, reste le semi. Mais en région parisienne, je ne trouve pas qu’il y ait une offre de semi particulièrement fournie. Je laisse de côté le semi-marathon de Paris désormais hors de prix et qui manifestement n’est plus fait pour des gens comme moi, depuis la disparition du semi de Vincennes, plus grand-chose à me mettre sous la dent. Donc ça ne peut pas être un défi principal. Alors quoi ?

Ma première idée était de m’attaquer à l’éco Trail de Paris. J’ai toujours trouvé amusante l’idée d’arriver en haut de la Tour Eiffel (malgré au bout de 80 km), et en plus ce serait l’occasion de découvrir le trail. Mais voilà, cette année il me semble que l’arrivée n’est plus à la Tour Eiffel (c’est pas clair leur comm’) et puis surtout le COVID et le passe vaccinal, ainsi que la nécessité de préparer ça en hiver (vive les sorties de 3h par 4 degrés…), je me suis donc dit que ce serait pour une autre fois.

Donc sans idée de nouveau défi en particulier, l’idée me vient de courir, peut-être pour la dernière fois, un marathon avec mon père. Et pour que ce soit plus facile à organiser, autant faire celui  à côté de chez soi : Paris. C’est plus cool pour moi en terme de préparation, et puis c’est sympa de remettre ça tous les deux. On devait faire la Route du Louvre en 2020, mais voilà, on sait tous ce qui s’est passé en 2020.

Donc nous voilà inscrits.

Comme je suis un peu prévoyant et que je pressens ce qui va se passer, je débute une préparation (la même qu’en octobre) comme si j’allais courir seul, au cas où ce devrait être le cas. Et j’ai vite compris que j’avais eu raison d’être méfiant, car après avoir soigné une tendinite, mon père, tête de mule de compétition, a chopé le COVID, contre lequel, avec son esprit de contradiction légendaire, il a refusé de se faire vacciner sans autre argument que « j’ai pas envie ». Résultat : 4 semaines au lit en février, terrassé par la fatigue. C’est bien fait pour lui, mais impossible de préparer une telle épreuve dans ces conditions. Le sort en est donc jeté : je ferai donc ce marathon tout seul. Exactement ce que je ne voulais pas !

Alors on pourrait me dire ? Ben tu t’en fous, tu fais ce marathon comme tu peux, cool, après-tout c’est juste une course.

Mais en fait le marathon ça se respecte, ça se court au max de ses possibilités ou rien. Un marathon c’est un monument, ça ne se transforme pas en sortie longue. Comme on dit en foot, il faut respecter l’institution (et l’important c’est les trois points).

Du coup pendant les 12 première semaines de 2022, j’ai remis ça. Sorties longues, fractionnés longs, fractionnés courts. Pas facile quand on a déjà tout donné quelques semaines avant, et pendant les venteuses et froides après-midi d’hiver, où on a juste envie de rester chez soi au chaud.

J’ai vécu cette prépa comme une contrainte au final. Préparer et courir un marathon d’une manière que je n’ai pas réellement choisie, avec la petite pression de devoir confirmer la perf’ précédente. Pas d’exploit à conquérir, mais un statut à défendre.

A la veille de la course, j’ai autant de jours d’entrainement que la fois précédente, mais avec moins de kilomètres (la faute à des sorties écourtées à cause du froid), mais avec la même VO2max et globalement une forme approchante. Selon les données, je devrais être bien. Selon mes ressentis… je n’en sais trop rien. D’autant que quelque part au fond de moi… j’ai pas envie. C’est long un marathon, c’est dur, c’est fatigant, longtemps après, même, c’est fatigant. Je n’avais pas prévu dans ma tête de faire un effort aussi éprouvant, nécessitant une telle préparation.

Le mercredi qui précède, pour ma dernière sortie, je me fais (bien évidemment) mal quelque part, en l’occurrence au pied droit. Mais cette fois je n’ai pas paniqué. Ça m’est arrivé tellement de fois la « douleur inquiétante » juste avant la course ! Presque à chaque fois, en fait. On m’a expliqué qu’en fait c’est normal, d’ailleurs. Comme avant la course on lève le pied, le corps a du mal à comprendre, du coup il râle. Donc là repos et on y va cool jusqu’à la ligne de départ.

L’avantage de courir un marathon avec peu d’enthousiasme, c’est que ça  élimine pas mal de stress. Bien que ma prépa ait été sérieuse même si un peu perturbée, je me sens un peu protégé par le fait que cette course n’est pas réellement un objectif (et aussi par mon beau chrono réalisé quelques mois avant). L’inconvénient c’est qu’en termes d’émotions, c’est plus faible aussi.

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C’est donc avant tout avec sérieux que je me présente sur les Champs-Elysées, relativement décontracté. Il faut très beau mais froid : c’est rare que j’aie deux couches de vêtements. Certes la température va monter (un peu), mais il fait 4°c. C’est probablement la plus basse température que j’ai connue pour un départ de marathon. Mon amoureuse est venue avec moi et va tenter de faire un peu la reporter/supportrice à certains points de la course. Une fois n’est pas coutume je suis sur le côté gauche de l’Avenue. Anne Hidalgo, qui s’est pas encore officiellement couverte de ridicule à la présidentielle, donne le coup de pistolet . Cette année le départ est très fluide, ça va relativement vite.

Et c’est parti je m’élance. C’est agréable, et je vois tout de suite que je suis dans l’allure. Je me fais doubler dans le 1er kilomètre par la moto de France 2 (d’ailleurs on m’aperçois brièvement de dos dans le direct) et surtout je passe devant ma chérie sans la voir. Le parcours est beau et par ce temps on peut profiter à fond de la visite touristique.

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Quand on est bien dans son allure, pas blessé et pas inquiet, au fond il n’y a pas grand-chose à raconter. Parti sur des bases voisines de celles de mon ’’exploit’’ d’octobre, j’avance bien. Concorde, Vendôme, Opéra, Louvre, Bastille… c’est beau Paris. Un jour un vieux briscard auto-satisfait de ses dizaines de marathons m’avait dit « Paris ? Parcours bof… ». Bon et bien s’il préfère courir tout seul dans la pampa, traverser des ZAC et se changer dans un gymnase, tant mieux pour lui. Pour certains, Paris, c’est jamais bien, de toute façon, parce que c’est Paris. Si Flaubert était encore là pour mettre à jour son dictionnaire des idées reçues, il dirait : Paris, en dire du mal en toute circonstance. Parler de la circulation.

On franchit ensuite les limites de la ville. Au Château de Vincennes, c’est toujours une petite émotions car j’y ait passé beaucoup de temps (notamment à courir autour !). On a fait ¼ de la course et pour le moment tout va comme sur des roulettes. Je fais une course sérieuse, méthodique. Très concentré. A un moment on passe devant une animation musicale (il y en a très régulièrement sur le parcours) : des gens qui jouent du corps de chasse ! C’est tellement décalé. Ils sont là depuis toujours (autrefois on les voyais plutôt vers la fin du parcours). A chaque fois ça me fait marrer.

A la sortie du Bois de Vincennes, à Charenton, je repense, comme toujours, à mon marathon 2005 où j’ai dû m’arrêter de très nombreuses minutes, la cuisse rigidifiée par un problème musculaire qui transformera ma course en odyssée de 5 heures…

Direction Paris à nouveau par la porte de Charenton, justement où on va passer au 20e kilomètre. Je fais de grands signe à ma compagne qui, ayant commis l’erreur stratégique de se poster sur le côté de la route où le soleil est dans les yeux, a failli me louper à son tour. 

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Vous n’avez pas vu passer les 20 kilomètres en me lisant ? Ben moi non plus en fait. J’avance régulièrement et concentré, tout de même un peu surpris de courir presque aussi vite que la fois précédente, même si je pressens toutefois que j’aurai un peu plus de mal sur la fin.

Les voies sur berge. Ce n’est pas encore là que c’est dur, on est dans l’entre-deux. J’aime bien cette partie-là. La route est plus étroite mais comme le peloton est très étiré ça ne pose pas de problème (l’avantage de partir dans des sas rapides…). Ça roule toujours. Je bois, je m’alimente. Ça commence à tirer un peu mais je n’ai quasiment pas ralenti et je peux espérer un très bon chrono.

Car je n’ai pas encore parlé chrono. Au fond, c’est quoi mon objectif ? Faire et même aussi bien qu’en octobre n’est pas réaliste. J’étais préparé de ouf, et c’était un jour où je marchais sur l’eau. Donc ce que j’aimerais c’est battre une seconde fois, même de manière moindre, mon fameux record de 2006. Pour confirmer qu’octobre n(‘était pas une anomalie et que j’ai réellement progressé et que ce genre de perf est durable. Et sur les voies sur berges, je commence à me dire que c’est bien parti.

Comme l’an passé, les organisateurs ont eu la benne idée de placer un batucada juste à l’entrée du Tunnel de l’Alma, le plus long, de telle manière que le son se propage tout le long du tunnel. Toujours cette impression de courir à l’intérieur d’un orage, d’accompagner le tonnerre. Très chouette. Je n’ai jamais compris les coureurs qui se plaignent de ce tunnel, soit-disant que c’est long, qu’il fait chaud, et gnagnagna. Je peux comprendre que les sorties de tunnel fassent un peu mal aux pattes (et encore, les coups de cul doivent faire 100 m…), mais bon, pas de quoi râler.

A partir du 30e, vers le Trocadéro, ça commence à tirer plus fort sur les muscles. J’ai un tout petit peu ralenti mais je maîtrise en occupant mon esprit à faire du calcul mental. Des calculs d’allure pour se rassurer. J’ai tant de minutes d’avance, je peux assurer tel chrono même si je perds tant de secondes par kilomètre. Et j’avance, j’avance. Même si ce n’est pas le plus joli, le passage dans le 16e arrondissement n’est pas désagréable en soi. C’est juste qu’on commence à en avoir plein les pattes. Je ne sais pas comment font les autres, mais une fois passé le 32e, moi j’aime bien la technique mentale du « plus que 10 km, plus que 9 km, plus que 8 km ». Je comprends que ça puisse casser le moral de dire qu’il reste encore 10, 9, 8, 7 km etc., mais comme ce sont des distances correspondant à de petits entrainement, des distances qu’on fait tout le temps, moi ça me rassure, je sais que je peux les faire. Car sur marathon, le but premier c’est toujours de terminer. Je dirais même qu’à partir du moment où on a terminé, le chrono est presque anecdotique (j’ai dit « presque », hein ?!). Vers le 34e il y a une montée qui fait bien mal aux pattes. La fois précédente, au pied de la côte, j’avais doublé Claude, de Koh Lanta, et j’étais tellement frais qu’on avait fait un selfie. Je me souviens que j’étais quasiment pas fatigué. Cette année, pas de célébrité ni de photo. Je ne suis pas épuisé mais cependant nettement moins fringant. Je ne vais pas beaucoup moins vite, certes, mais je dois m’accrocher et rester toujours aussi vigilant à boire et manger.

Le Bois de Vincennes, qui commence par un petit secteur pavé que j’ai en horreur, puis le parcours de la Solirun et la grande ligne droite qui nous ramène vers Paris.

A titre personnel, je joue avec ma propre psychologie du début à la fin. Mais je déteste ce lieu commun qui dit « tout est dans la tête », car non, tout n’est pas dans la tête, tout est dans l’entrainement. La tête ça sert à ne pas lâcher quand on est épuisé voire à trouver une dernière ressource pour un dernier effort, et c’est un élément important. Mais le sport c’est un tout dont le « mental » n’est qu’une composante. Tu as beau avoir un moral d’acier, si t’as pas fait ce qu’il faut pour avoir les jambes au 36e, ça ne t’aidera pas beaucoup à avancer.

39e kilomètre, la fondation Vuitton que j’ai (enfin) visité récemment le jour de mon anniversaire. Car oui, j’ai 45 ans et ça commence à faire très très vieux. Je n’arrive absolument pas à réaliser que j’ai cet âge-là, car je crois toujours instinctivement en avoir 12 ou 15 de moins. Courir à cette allure-là, plus vite que quand j’en avais 25, n’est pas une cure de jouvence, car ça n’existe pas. En revanche ça console un peu.

Après la Fondation, le temps commence vraiment à être long et j’ai hâte que ça se termine. Sur les trois derniers kilomètres, là je ne compte plus les bornes mais les centaines de mètres. C’est l’équivalent de mon tour du Jardin des Plante, pas le droit de flancher.

Le parcours de ce marathon est ainsi fait qu’on est dans les bois, et qu’au détour d’un virage, vla t’y pas qu’on est avenue Foche ! Oui, la ligne d’arrivée ! Elle est là, je la vois. Ça a beau être la 13e fois, à chaque fois ça me surprend !

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Là c’est un petit moment, comment dire ? Je ne dirais pas de grâce car on est épuisé et transpirant, mais en tout cas d’euphorie. Un autre truc qui m’étonne toujours lors d’un marathon, c’est de le finir. Ce n’est pas un truc normal de courir 42 bornes. Je crois que j’en serai toujours étonné. J’accélère, ça donne des ailes ( et encore une fois je rate ma chérie sur le côté droit, que pourtant j’avais cherché du regard) ! Je passe la ligne avec la sensation d’être seul (alors qu’on est franchement nombreux !). Ça y est, c’est fini. Je confirme le chrono : oui, objectif atteint, 2e meilleur chrono de toute ma vie. Je me suis prouvé que je pouvais le refaire, et aussi que les années ne m’avaient pas encore tout à fait mis en ruine.

Il y a toujours ce moment où j’e n’ai pas envie de quitter la ligne d’arrivée. La course est finie, c’est à la fois un soulagement et un petit tristesse car on ne sait plus trop quoi faire des flots d’hormones euphorisantes qui se sont déversées et se déversent encore dans notre corps. Je prends mon temps pour remonter la zone d’arrivée. Ravito, t-shirt, médaille, poncho…

Au même endroit que la fois précédente je retrouve enfin mon amoureuse (cette fois je ne la rate pas !), qui m’a fait la surprise de faire en sorte que Véro, ma meilleure amie, et son compagne Karim (que je rencontre pour la première fois) soient là. Un aventurier tristement célèbre disait que le bonheur n’est vrai que s’il est partagé, et il avait bien raison.

Mes jambes se sont rigidifiées comme d’hab’ (je n’ai toujours rien trouvé pour remédier à ça, et surtout je ne comprends pas pourquoi parfois ça ne se produit pas) et regagner le métro est un peu douloureux, à tel point que Karim doit m’aider à descendre les escaliers comme si j’étais un très vieux monsieur (c’est-à-dire, donc, un peu plus vieux que je ne le suis déjà !). 

Ce 13e marathon de Paris, couru concentré et seul, aura, hormis sur la fin, manqué un peu d’émotions. Mais il m’aura aussi montré que je suis capable non seulement de résister au poids des ans mais aussi de réaliser et confirmer encore de bons chronos. Bref j’ai été sérieux et j’en suis très content.

 

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